Lofofora : une année sous le signe du live et de la réédition !

31 mars 2022 à 10h16 par Aurélie Communier

Lofofora
Lofofora
Crédit : Olivier Ducruix

Reuno, leader engagé et passionné du groupe Lofofora, revient sur 30 ans de punk et l’actualité du groupe pour les mois à venir. Au programme, la reprise des concerts et la réédition de sa discographie en vinyle avec dernièrement celle de « Vanités », 10e album studio dévoilé en 2019 qui se voit augmenté de 6 nouveaux morceaux. Même si la crise sanitaire a fortement chamboulé le monde de la musique, Lofofora garde sa hargne légendaire et l’envie de nous faire vibrer en live avec une sincérité débordante.

« On se dit que c’est peut-être une solution pour se rabougrir un peu moins vite le rock’n’roll. »

 

Ce soir, Reuno du groupe Lofofora est passé me voir dans les studios de OUIFM, et autant dire que ça fait plaisir puisque ça fait un paquet d’années qu’on ne s’est pas croisé... Comment ça va ?

R : Ça va bien. Je lui là, je suis content.

On va revenir sur l’actualité du groupe et autant dire qu’il se passe et qu’il va se passer plein de choses pour 2022. Déjà, on fait le point en deux, trois mots : réédition de votre tout premier album éponyme sorti en 95, il est disponible en version remasterisée depuis janvier. Il y a également la réédition de « Vanités », le petit dernier sorti en 2019 qui lui, est de nouveau dans les bacs depuis le 11 mars en format augmenté avec 6 nouveaux morceaux, le tout via le label At(h)ome. Deux albums qui marquent trente ans de carrière... Qu’est-ce que ça fait de se dire que le groupe a tenu aussi longtemps ?

R : Un petit peu de fierté quand même, je dois le dire, parce que tu vois un peu autour qu’il y a des groupes qui n’ont pas réussi a traversé toutes les années, toutes les périodes plus fastes sans choper le melon, ou toutes les périodes les plus creuses sans désespérer. Et voilà, je ne sais pas, je me demande pourquoi et je me dis juste que c’est parce qu’on a encore envie. Et puis on se kiffe entre nous, on a une bonne bande depuis 12 ans maintenant. On a Vincent (Hernault) qui nous a rejoint à la batterie, Daniel (Descieux) qui est là depuis 20 ans à la gratte, et avec le Philus (Phil Curtis)  à la basse et moi-même, on tient la taule depuis le début. Et on se retrouve encore comme des gamins quand on monte dans le camion, on est toujours aussi heureux quand on ne s’est pas vu depuis plusieurs semaines de s’enfermer dans le local ensemble. On se dit que c’est peut-être une solution pour se rabougrir un peu moins vite le rock’n’roll.

Le secret finalement pour qu’un groupe dure longtemps,  c’est le fait de tomber sur les bonnes personnes...

R : Ouai, souvent, y a des plus jeunes que moi qui me demandent : « Mais alors, c’est quoi le secret d’un groupe qui dure ? » Je dis, déjà, le premier truc, c’est d’être avec les bonnes personnes, faut qu’il y ait une alchimie qui se crée.  Faut pas faire un groupe de clones, parce que si tout le monde est dans la même idée, ça n’avance pas. Nous, on est quatre personnes complètements différentes, mais hyper complémentaires et c’est cool.

Et toujours le plaisir de jouer, de sortir des albums... Et là, surtout, de ressortir vos albums, de les redécouvrir avec les rééditions. Comment ça se passe concrètement quand on bosse sur une réédition, comment ça se met en place ?

R : On a pu enfin rapatrier tous nos albums chez At(H)ome qui est une maison de confiance avec qui on travaille depuis pas mal d’années maintenant et on trouvait que c’était cool que tous ces disques ressortent. Surtout quand tu te rends compte que sur des plate-formes d’occasions, ton vinyle, il est vendu à 130 ou 150 euros, à des prix de ouf. Là, tu te dis : « Merde, pourquoi j’en ai pas gardé une boite de 12. » (rire) Mais sinon, après, y a cette histoire de remasteriser les disques. Je ne suis pas hyper fan du concept parce que j’ai eu des mauvaises surprises, pas sur les albums de Lofo, mais des albums où t’entend des sons que tu n’entendais pas avant dans la version originale. Mais là, c’est vraiment fait avec le respect de l’œuvre, et puis c’est pas plus mal que le truc ne sonne pas trop daté même si le son n’est pas touché au niveau de la puissance et autre.

Surtout qu’entre le premier album qui est sorti dans les années 90 et aujourd’hui, y a d’autres moyens d’écouter de la musique, y a aussi le côté adapter le son...

R : Ouai, c’est ça exactement, s’adapter aux outils du présent.

« J’ai un regard un peu attendri sur le Lofo de cette époque-là, mais en même temps, quand tu replaces ça dans le contexte, je me dis qu’on n’était pas hyper à la traîne quand même. »

Est-ce que c’est un disque que vous avez l’habitude de réécouter au fils des années, où vous vous êtes replongés dedans exprès pour le remastering ? Est-ce que tu as une oreille différente aujourd’hui quand tu l’écoutes ?

R : Du fait que ce soit remasterisé, je ne crois pas. Mais moi, j’écoute jamais mes disques. Ça m’arrive quand on repart en tournée et qu’on se dit : « Tiens, quel vieux morceau on peut ressortir qu’on n’a pas joué depuis longtemps ? » Et, y a même des fois, des morceaux que tu as oublié, des morceaux où tu te dis : « Mais pourquoi j’ai mis autant de mots dans aussi peu de temps ?! » (rire) C’est marrant, j’ai un regard un peu attendri sur le Lofo de cette époque-là, mais en même temps, quand tu replaces ça dans le contexte, je me dis qu’on n’était pas hyper à la traîne quand même.

Et y a des textes qui restent tristement encore d’actu aujourd’hui...

R : Ce qui m’angoisse le plus c’est quand je me rends compte que certains de mes textes ont encore plus de résonance aujourd’hui qu’il pouvait en avoir 15 ou 20 ans auparavant. Ça, c’est un peu flippant.

Justement, on va en reparler du côté très impliqué socialement et politisé de votre musique. Juste avant, je voulais revenir sur la réédition de « Vanités », votre dernier album en date sorti en 2019, pile avant la crise sanitaire... Au niveau du timing, ça pue !

R :  C’est ça... Bon, après, on n’a pas été les plus à plaindre de toute cette période merdique. Mais j’avoue, quand il y a ton tourneur qui te dit : « Les gars, c’est cool ! Là, ça se passe bien, va y avoir au moins quatre-vingts, peut-être cent dates sur cette tournée », et qu’au bout de la vingtième, t’es enfermé chez toi pendant deux ans quasiment, ça fait mal. Parce que comme je te le disais tout à l’heure, sur une longue carrière de groupe avec dix albums, t’as des moments, parce que ton album est moins bien ou moins en résonance avec ce que les gens veulent écouter, y a des périodes plus creuses, et quelques années plus tard, ça repars. Avec cet album, on était bien, ça remplissait bien. On sentait une vraie énergie avec le public. Je trouve que le disque est assez réussi, donc on a été un peu dégoûté. Ce qui fait que, dès qu’on a pu se revoir avec les copains, on s’est mis a composé directement. Et quand on a informé notre label de ça, ils nous ont dits : « Si vous voulez, on vous renvoi dans le studio où vous avez enregistré « Vanités » ». C’est-à-dire, à Black Box qui est un studio légendaire avec du matos extraordinaire et des gens top cool. Et donc, on était heureux de pouvoir retourner là-bas et on a enregistré ces six nouveaux titres qu’on a vraiment composés en pleine crise.

C’était l’occasion finalement de donner un second souffle à cet album...

R : Ouai, c’est un peu l’idée. Et ces titres-là, on les a vraiment composés rapidement, entre un mélange de spontanéité et puis de vouloir rattraper le temps perdu. Donc, du coup, ça collait bien à l’énergie punk qu’il y avait déjà dans l’ensemble de ce disque-là et ça en fait une suite assez logique.

Parmi les morceaux que l’on retrouve dans « Vanités », tu as voulu diffuser durant cette interview le titre « Bonne Guerre ». Pourquoi ce choix ?

R : Des fois, il y a des expressions françaises qui rentrent en résonance dans ma tête, et ne serait ce que de dire, « c’est de bonne guerre », c’est horrible, ça justifie beaucoup de choses quand on est capable de commencer à réfléchir de ce côté-là. Comme en ce moment, on dit : « Non, on ne peut pas aider les Ukrainiens parce que sinon ça va être encore pire ». C’est cette espèce de tiraillement, vivre dans un monde, comme ici, électrique et confortable, mais qui fabrique de la misère à l’autre bout du monde qu’on n’a pas envie de voir. On envoie nos poubelles à l’autre bout du monde aussi... Voilà, ce sont toutes ces choses-là qui s’entrechoquent dans mon crâne de fragile et ça donne ce genre de chanson.

« Je pense que c’est cette espèce de fibre invisible qui fait qu’un artiste, t’as l’impression que vraiment, il ouvre son bide sur scène et qu’il est prêt à tout partager, et que la minute qu’il est en train de vivre, ça peut être la dernière de sa vie, il en a rien à secouer... Ouai, là, c’est du rock. »

 Vous avez une musique toujours très engagée, portée sur la société, l’actualité... Les années passent et on a le sentiment que tout empire. Ce n’est pas quelque chose qui vous déprime un peu ? Vous ne vous dites pas : « et si on parlait d’autre chose ? »

R : Je me suis dit qu’en écrivant des textes qui des années plus tard rentrent encore plus en résonance avec l’actualité, je me dis que j’ai peut-être un côté gourou annonciateur, je ne sais pas, ou que je suis Dieu. Je me dis que je devrais écrire des chansons d’amour et de paix, histoire que l’amour et la paix se propagent sur Terre. Donc, peut-être que j’essaierais, je suis pas sûr. (rire)

Avec 30 ans de carrière, aujourd’hui vous faites partie des références du punk français. Vous avez inspiré énormément de groupes. Est-ce que vous suivez un peu cette nouvelle scène ? Est-ce que vous avez un avis sur cette nouvelle génération de groupes de rock ?

R : Ah oui... Rock au sens large, oui, je suis pas mal ce qui se fait. Je suis vraiment un boulimique de musique, j’ai toujours besoin d’écouter des nouvelles choses, donc forcément, je m’intéresse sur ce qui se fait sur la scène française. Un des derniers disques que j’ai écouté ce week-end, c’était la version augmentée de l’album de Toybloid. Je kiffe, le dernier est hyper bien. Je l’avais jamais écouté, j’avais entendu juste un titre. Et j’avais déjà acheté en jouant avec elles y a super longtemps leur premier EP. Sur celui-ci, y a un aboutissement, c’est beaucoup plus assumé, beaucoup plus incarné. J’ai vraiment adoré ce disque-là.

Je vous avais vu dernièrement en concert avec les Pogo Car Crash Control qui font aussi partie de cette nouvelle scène...

R : On a vachement d’affection pour eux, mais à tout point de vue. Humainement, parce qu’on a fait pas mal de dates ensemble, on s’est rencontré, ça accroche bien. On n’est pas de la même génération, mais on est de la même filiation, ça, c’est sûr et certain. Puis, ce qui donne dans leur musique, l’énergie, tout nous va, on aime beaucoup ce groupe.

Est-ce que tu penses que l’énergie de ces groupes-là et la vôtre à l’époque est la même ou est ce qu’il y a quelque chose de différent ? Toi, tu le ressens comment ?

R : Je sais pas... Je crois que moins y a d’intermédiaires entre tes tripes et ton son, plus tu te rapproches de cette énergie punk rock. Après, dans les esthétiques, dans tout ça, je pense qu’il y a des choses différentes, forcément, on n’a pas écouté les mêmes trucs. Moi, quand j’ai eu 15 ans, j’ai entendu les Ramones, je trouvais ça ultra violent. Aujourd’hui, tu fais écouter ça à un môme de 15 ans, il va te rire au nez. Donc, de ce côté-là, c’est sûr qu’il y a énormément de différences. Mais je pense que c’est cette espèce de fibre invisible qui fait qu’un artiste, t’as l’impression que vraiment, il ouvre son bide sur scène et qu’il est prêt à tout partager, et que la minute qu’il est en train de vivre, ça peut être la dernière de sa vie, il en a rien à secouer... Ouai, là, c’est du rock.

Et c’est ce que vous faites avec Lofofora sur scène depuis plus de 30 ans...

R : Je ne peux pas penser le truc autrement. Puis, je dois t’avouer, depuis toute la période tourmentée avec tant d’annulations à chaque fois que je remonte sur scène, enfin tant que je ne suis pas sur la scène, j’ai l’impression que le concert ne va pas avoir lieu et quand j’y suis, je me dis que c’est peut-être le dernier et qu’il faut profiter. Ça m’a rendu encore plus à vif dans mon rapport à la scène. Je veux en profiter, le moindre petit bout qu’il y a à partager, il faut s’en régaler.

« Tant que je ne suis pas sur la scène, j’ai l’impression que le concert ne va pas avoir lieu et quand j’y suis je me dis que c’est peut-être le dernier et qu’il faut profiter. »

Et parmi les dates à noter, y a celle de la Cigale qui va être assez importante, le 29 avril prochain, qui marquera la sortie de la réédition de « Le Fond et la Forme » qui sortira pour la première fois en vinyle... Finalement, année réédition pour Lofo ?

R : Y a un engouement sur le vinyle et on a eu beaucoup de demandes sur les réseaux de la part de nos fans, à savoir si tel album serait, un jour, disponible en vinyle. Ils sont contents, en général, les rééditions, ça leur fait plaisir.

Et du coup ce concert à la Cigale, une salle où vous avez déjà joué, où vous avez déjà eu des petites émotions...

R : Ça va être marrant de retourner là-bas. Ça doit faire une bonne dizaine d’années qu’on n’y a pas joué. On avait fait un DVD à l’époque « Du fond et la forme » en 2003 ou 2004. Je ne sais même pas si on y est retourné depuis. Et on a la chance aussi d’inviter un groupe anglais qui s’appelle Pengshui, je trouve que l’album, il bute. On s’est rencontré virtuellement sur Instagram, et puis on s’est branché comme ça. J’en ai parlé à notre tourneur qui a trouvé que c’était une bonne idée. Ils viennent de sortir leur album. Ils ont fait une tournée de clubs en Angleterre qui a cartonné. Et là, ça va être leur première date en France, donc on est super fière de les faire venir pour ça. Allez écouter ça !

Et vous avez d’autres concerts qui vont arriver par la suite ?

R : Oui, allez voir sur nos pages Facebook, Insta, etc... On a entre cinq et sept concerts par mois jusqu’à la fin de l’été et puis une bonne pelletée de festivals.

Un grand merci à Reuno pour cette interview. Lofofora nous donne donc rendez-vous sur les routes de France cette année et vous pouvez évidemment vous procurer toutes leurs rééditions citées pendant notre entrevue via le site officiel du label At(H)ome que l’on remercie également au passage.

Les prochaines dates de concerts de LOFOFORA : 
 
08/04 : Halle Verriere  - MESEINTHAL (57)
 09/04 : Betizfest - CAMBRAI (59)

22/04 : La Moba - BAGNOL S/CEZE (30)
 23/04 : Ink Factory Festival - LYON (69)

29/04 : La Cigale - PARIS (75)
14/05 :  Salle du Prado - BESSENAY (69)
28/05 : Festival Les Couches Tard - ST JOACHIM (44)

03/06 : La Voix du Rock - COUHE (86) 
04/06 : Pop Cornes Festival - RUSSEY (25) 
10/06 : Lez Rocksane - BERGERAC (24) 
11/06 : GFestival RRRR - GRAIZAC (31) 
18/06 : La Sourie Verte - EPINAL (88) 
29/07: Limau festival - LIMAU (46)
30/07 : Xtrem Fest - ALBI (81)
31/07: Musicalarue - LUXEY (40)

14/08 : Park Rock - BAUDOUR (BE)

10/09 : Bridge to Hell Festival  - LE CREST (26)