Comment “Won’t Get Fooled Again” de The Who a transformé une rage de scène en révolution sonore

Publié : 21 novembre 2025 à 16h31 par Iris Mazzacurati

Né d’un coup de gueule il y a plus de 50 ans après, d’un synthé futuriste et d’un rêve d’opéra rock, “Won’t Get Fooled Again” est devenu l’un des hymnes les plus lucides et puissants de The Who. Retour sur une naissance explosive…

En 1970, dans son home studio, Pete Townshend bidouille ses synthés comme un savant fou en avance d’une décennie. Il travaille alors sur Life House, un opéra rock de science-fiction imaginé comme une grande quête d’élévation collective. Et pour le final, il compose un morceau XXL, nourri d’électricité, de philosophie… et d’un certain ras-le-bol : “Won’t Get Fooled Again”.

L’étincelle ? Le festival de Woodstock. En plein set, l’activiste anarchiste Abbie Hoffman s’était emparé du micro pour lancer une tirade politique improvisée. Une irruption qui avait mis Townshend hors de lui, au point de l’expulser de la scène “à coups de guitare”. Plus tard, dans Cream, il confiera : « Laissez-moi tranquille, je n’ai rien à voir avec tout ça » avant d’ajouter, cynique : « J’avais envie de secouer cette foule qui pensait que le monde allait changer ce jour-là. »

Le morceau porte cette désillusion. Premier couplet : l’émeute gronde, “nos enfants à nos pieds”. Deuxième couplet : la révolution semble gagner. Mais la chute est brutale : “Le nouveau patron est le même que l’ancien.” Pas de grand soir, juste un cycle qui se répète.

En studio, la prouesse est technique. Les longues séquences de synthé, déjà enregistrées par Townshend, doivent être parfaitement synchronisées avec la batterie volcanique de Keith Moon. John Entwistle, lui, bétonne le tout avec une ligne de basse magistrale. Résultat : un titre de huit minutes, taillé dans du granit sonore, choisi pour conclure Who's Next, tant il résume la colère et la clairvoyance du groupe.

Pour la version single, on taille à trois minutes, mais on garde l’essentiel : le cri final de Roger Daltrey, ce hurlement qui reste l’un des plus mythiques de l’histoire du rock.